L'Éditorial du 06 septembre 2025
DÉNATALITÉ STRUCTURELLE
On l'a déjà dit, mais cela ne change guère : il semblerait que notre personnel politique, tous partis confondus, pense que la France est une île, coupée du monde et de ses soubresauts.
Une très grande partie de nos élus, femmes ou hommes, ne se sont pas encore aperçus que nous changeons de monde à grande allure, qu'il s'agirait d'adopter rapidement une autre
façon de se comporter et de penser le pays, l'Europe et le monde en général. Les petites guerres au sein des appareils, les pitoyables combinazione, l'horizon à court terme, généralement celui de leur réélection, les préoccupations dogmatiques totalement déconnectées des réalités de terrain, ne les mèneront et ne nous mèneront que dans une impasse périlleuse. Nous y sommes déjà d’ailleurs…
L'état de la planète fait craindre le pire, son habitabilité est menacée par la pollution protéiforme, l'écroulement rapide de la biodiversité et le changement climatique. Mais ces messieurs-dames, qui n'y voient pas plus loin que le bout de leur nez, s'en désintéressent, poursuivant des politiques aberrantes, se moquant profondément de notre santé et de notre avenir, surtout celui de nos enfants.
Et justement, ces enfants, il y en a de moins en moins, et de cela nous ne les entendons jamais parler. Et pourtant s’il est un phénomène extrêmement préoccupant, c’est bien celuide la baisse drastique et soutenu de la natalité. Le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan a produit une passionnante et documentée étude sous la signature de l’économiste Maxime Sbaihi. Lequel nous indique clairement que la situation démographique se dégrade rapidement et va sérieusement obérer nos perspectives économiques à moyen et long terme. Une situation qu’avait déjà pointée E. Macron (dans ce vocabulaire irritant qui n’appartient qu’à lui) en parlant de « réarmement démographique ».
Mais il est des tendances lourdes qu’il est complexe de modifier et lorsque la courbe plongeante des naissances croise celle montante des décès, il faut se mobiliser très vite. Pour la première fois depuis la guerre, la population active française va se contracter. En presque quinze ans, les naissances ont reculé de 22 % là où les décès augmentaient de 3 %. Un premier témoin en est l’Éducation nationale : nous avons ainsi fermé, entre 2010 et 2024, 1 662 écoles maternelles et 4 227 écoles primaires ; mécaniquement le second degré et l’enseignement supérieur va suivre. La population en âge de travailler décline, elle devrait baisser de 7 % d’ici 2050. Les sorties définitives du marché du travail ne sont plus compensées par des nouvelles entrées concomitantes.
L’inversion de la pyramide des âges, une première pour la France, va profondément déstabiliser notre modèle social conçu pour une hypothèse inverse. Il s’en suivra une accélération de tensions déjà à l’œuvre sur le marché du travail ; notre économie sera plongée dans un sous-effectif chronique par manque de bras et de cerveaux. Une situation qui ne pourra qu’affecter notre productivité, et conséquemment mettra à mal – plus qu’ils ne le sont déjà - nos systèmes de retraites et de protection sociale. Et Maxime Sbaihi de pointer les leviers suivants pour adapter notre économie : « travailler plus, automatiser davantage, accueillir mieux ».
Il nous faudrait donc robotiser, ce que la Corée du Sud à la natalité largement défaillante a su réaliser excellement. Et bien sûr, comme d’autres pays européens l’ont déjà fait, compenser un solde naturel négatif par un solde migratoire positif. Ce qui implique de se doter d’une stratégie d’immigration digne de ce nom. Hélas, lorsque l’on écoute les propos de nos politiques, outre que manifestement ils n’ont pas encore compris ce qu’il se passe, nous en sommes à des années lumières.
A quand des femmes et des hommes politiques responsables, connaissant leurs dossiers,
éduqués à la Chose Publique et qui ne joue pas avec notre avenir pour mieux améliorer le
leur ?
Jacques LAVERGNE
Esprit Occitanie
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