L'Editorial du 06 mars 2023
Parlons Justice !
Que ce soit dans le monde anglo-saxon ou dans la société française, dominés par l’utilitarisme[1] et la philosophie analytique, l’ouvrage de John RAWLS, « Théorie de la justice »[2], a suscité un choc et le débat dès sa publication.
À partir de 1962, John RAWLS, professeur à Harvard, se consacre tout particulièrement à la question de la justice et commence de construire un corpus théorique dédié à ses étudiants. Il y travaille sous l’angle d’une théorie globale.
Il propose de fait une nouvelle construction de l’idée de justice sociale. Il dépasse l’utilitarisme et s’approprie la pensée contractualiste du XVIIIème siècle.
Dans cette approche, il articule philosophie, politique et économie. D’aucuns y voient une possible approche socialiste dépassant le marxisme, quand d’autres y associent l’affirmation renouvelée du nécessaire État providence, sans qu’aucun des bords n’ait fondamentalement raison .... Le « nouveau contrat social » et moral proposé par Rawls, surtout conceptuel (il laisse la porte ouverte à l’opérationnalité) provoque une dynamique nouvelle de la pensée.
En 2021, ont été fêtés les 50 ans de la théorie rawlsienne[3]. Pourquoi un tel engouement ? Pourquoi ce livre traduit en 28 langues, devenu le livre de philosophie le plus cité et commenté du XXième siècle continue-t-il de faire mouche ?
Rawls pose le principe conceptuel d’une justice qui serait définie de façon pré-immanente à l’état de société. Décidée par les individus, ignorants de leurs conditions[4], cette justice est la « vertu première des Institutions sociales ». « Le droit n’est droit qu’autant qu’il protège et garantit la norme de justice et d’abord celle qui reconnaît la dignité de la personne humaine ». Les principes de la justices sont posés de la façon suivante :
§ Principe d’égalité dans l’attribution des droits et devoirs de base [5] « chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base égales qui soit compatible avec le même système pour les autres » ; ceci est prioritaire.
§ Principe de différence : les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon qu’à la fois : elles soient attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous dans des conditions de juste égalité des chances ET elles doivent être au plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société.
Plus que d’égalité, c’est d’équité dont parle Rawls. Il est attaché à la valeur équitable de la jouissance des droits et des libertés. Il refuse tout avantage issu d’inégalité de naissance comme il s’oppose à la méritocratie. Il soutient la démocratie constitutionnelle sans pour autant trancher sur ce que serait « réellement » celle-ci.
John Rawls va encore plus loin et complète sa réflexion en ajoutant deux autres principes : Le principe d’efficacité et le principe de redressement.
L’efficacité économique suppose l’esprit d’initiative. Il faut récompenser les efforts toutefois, le bien-être collectif doit primer sur l’efficacité.
Le principe de redressement, quant à lui, commande à une société juste de secourir les défavorisés de sorte qu’ils puissent bénéficier de l’égalité des chances. Il ne s’agit pas de faire la charité. Ce principe de redressement vise la justice, assure le fonctionnement optimal de la coopération et concourt par conséquent à l’avantage de tous les citoyens et à la fraternité.
La théorie de Rawls nous sert à questionner les enjeux actuels mais surtout la façon dont nous avons de les traiter. Nous croulons sous les textes législatifs, règlementaires que ce soit en droit national, européen ou même international. Les progrès dans toutes les sciences nous conduisent à des (r) évolutions techniques, culturelles … Sommes-nous certains que le Droit ne balaye pas la Justice d’un revers de main ?
Quelle appropriation du juste et du bien ? Quel regard sur l’appropriation de richesses internationales ? Quelles tensions entre Justice et communautés ? Comment appréhender les crises migratoires ? Comment combat-on l’inégalité de genre, la vulnérabilité ? Comment défendons-nous la protection sociale ?
En somme, peut-on réellement parler de Justice en ce début de XXIième siècle ?
Ne pas être d’accord sur ce qui devrait être un monde juste ne doit pas empêcher d’agir de façon urgente pour la réduction des injustices flagrantes.
Andrés Atenza
[1] L’utilitarisme affirme qu’une société juste est celle qui maximise la somme des utilités de ses membres ; l’utilité étant ici à entendre comme une « unité de bonheur ». Ses défendeurs sont Bentham, John Stuart Mill. Cette doctrine issue de la philosophie dite des Lumières se veut moderne, humaniste et altruiste.
[2] J Rawls, Théorie de la Justice, Cambridge, Massachusetts, EU, 1971. Première édition française en 1987.
[3] « Théorie de la justice 50 ans après, héritages et usages de Rawls » colloque Universités de droit Paris.
[4] Notion du « voile d’ignorance »
[5] Notion de « biens premiers »
L'Editorial du 26 février 2023
Tout est dans la méthode
Les Français ont à l’évidence tout à fait conscience de ce que monde et société se transforment. Et que dès lors, il est nécessaire de faire évoluer les structures de cette dernière, notamment en ce qui concerne le sujet du moment : les retraites.
Mais ce qu’ils ne veulent pas à juste titre, c’est se voir imposer à la hussarde une réforme touchant à un sujet aussi sensible concernant l’intime de chacun. Surtout lorsque celle qui leur est proposée – quasiment imposée surtout – leur paraît peu claire, génératrice d’injustices, politiquement partisane, aux finalités floues et pout tout dire passablement bricolée.
Le tout inséré dans un véhicule législatif inapproprié (qu’en dira le Conseil Constitutionnel ?) et contraignant, interdisant un débat riche et protéiforme par manque de temps, un temps gage de qualité pour l’élaboration d’un texte aussi essentiel.
Rappelons que les pays nordiques ont réglé cette question à l’unanimité, aux termes de travaux et de négociations qui ont durés dix ans ; nous en sommes loin !
Tout est dans la méthode.
On aurait pu espérer qu’au moins l’Assemblée Nationale serait le cadre d’échanges, sinon apaisés, du moins constructifs, ouvrant des pistes de réflexion, décortiquant les problématiques et chiffrant précisément les enjeux.
Malheureusement, au grand dam des syndicats, des partis de gouvernement et de ceux d’opposition, l’eux d’eux, LFI pour le nommer, a cru devoir adopter une attitude aussi négative que délétère : obstructions systématiques, tsunami d’amendements, insultes, violences verbales, chahuts inconséquents, bouffonneries stupides, inacceptables prises à partie des uns et des autres.
Résultat : un débat inexistant aboutissant au blocage stérile du système, une déconsidération d’une certaine idée de la politique, et au final un chèque en blanc à l’extrême droite qui n’en espérait pas tant. Oubliant certainement que la politique c’est certes une confrontation mais d’idées, ce sont des échanges sans concession, mais c’est aussi construire ensemble grâce au consensus. Le pourrissement systématique du débat montre à l’évidence que n’est pas femme ou homme politique qui veut, que certains partis ne saurait en aucun cas être prêts à gouverner !
Tout est dans la méthode.
Au milieu de toute cette agitation stérile, personne ne s’est avisé de lancer une réflexion sur la notion même de travail en ce début de XXIème, une notion nous le constatons tous les jours qui a fortement évoluée dans les têtes mais aussi dans les pratiques.
De même personne – ni dirigeant ni opposition - n’a pris en compte dans ce crucial débat que « nous ne sommes plus dans la situation où nous étions avant » et surtout que « nous avons changé de monde » pour citer le regretté philosophe Bruno Latour.
Et qu’en conséquences le travail, ses conditions, ses modes d’exercice vont être profondément modifiés par les bouleversements climatiques qui paraissent aujourd’hui inéluctables. Il est clair que le réchauffement climatique et ses conséquences auront sur les organismes de graves répercussions, que la pénibilité engendrée par certains métiers s’en trouvera accrue, que les espérances de vie en seront possiblement raccourcies.
Voire même que beaucoup d’équilibres économiques vont, sinon se dégrader, du moins se modifier profondément. Dès lors quel sera l’impact au niveau de nos systèmes de retraites dans vingt, trente ou quarante ans ? Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) n’aborde pas cette question ; le Président Macron non plus, mais il est vrai qu’il est loin d’avoir pris la mesure du phénomène (euphémisme !). Par contre l’OIT (Organisation internationale du travail) dans son rapport de décembre 2022 évoquait la « retraite anticipée » afin de prendre en compte les effets négatifs des changements de climat. Tout l’inverse de ce que l’on nous propose aujourd’hui qui est de travailler plus longtemps.
Et pour reprendre les propos de François Julliard, le directeur général de Greenpeace France : « On ne peut que combattre ce projet de réforme qui vise à faire travailler plus longtemps, à produire plus de biens, plus de consommation, plus de déchets, plus d’émission de gaz à effet de serre et plus de pression sur les ressources naturelles de la planète ». (cité dans l’excellent article consacré à cette question et dont je vous recommande la lecture sous la signature du journaliste du Monde Rémi Barroux,)
Il est donc temps de remettre sur le métier cette réforme, en prenant le temps d’en étudier soigneusement toutes les conséquences, de se projeter dans l’avenir, d’associer largement à cette réflexion partis politiques, syndicats, associations diverses, afin d’aboutir à un texte sérieux, réaliste, mesuré, évolutif, empreint de justice sociale et intégrant les problématiques posées par l’habitabilité de la Terre, concept aujourd’hui fondamental.
Tout est dans la méthode !
Jacques Lavergne / Esprit Occitanie / Les Masseries, le 26 février 2023
L'Editorial du 07 février 2023
« Farem tot petar…lèu »
Ne dit-on pas que c’est à la manière dont un pays traite les plus faibles des siens que l’on mesure son degré de civilisation ? A cette aune là, la France pourrait être qualifiée d’attardée voire de barbare si l’on considère le sort qu’elle réserve à ses anciens. Le mode de vie imposé par nos sociétés qui se croit « moderne » aux enfants et petits enfants ne permet plus à ceux-ci de conserver avec eux leurs vieux parents : cela nécessite de la disponibilité, des espaces de vie adaptés, et parfois tout simplement l’envie de partager l’existence – ce qui nécessite certains sacrifices que l’on a peut-être pas envie d’accomplir (pour de bonnes ou mauvaises raisons) – avec des personnes d’une autre génération.
La solution s’impose donc : les confier à des établissements spécialisés dont la gestion est assurée soit par des associations, soit par des collectivités locales, soit par l’initiative privée. C’est là que les difficultés commencent. Car le choix entre ces différentes solutions de gestion n’est pas toujours guidé par le critère qui devrait être le seul qui vaille : la qualité de vie, donc de soin et d’attention. Mais par la situation géographique, et le plus souvent par le niveau de ressources des parents, voire des enfants. Car la dépendance a un coût, lequel est loin d’être négligeable. La fin de vie est elle aussi marquée par les disparités sociales, les injustices, les types de revenus.
Rien de nouveau sous le soleil, très bien. Mais au moins en a-t-on pour son argent ? Autrement dit, le traitement réservé à nos parents et grands-parents est-il confortable et digne ? Et bien pas toujours, très loin s’en faut même si l’on en croit les récentes révélations sur la façon dont la firme Orpea traitait (et traite peut-être encore ses résidents). Révélations dont le détail figure dans l’excellent livre enquête Les Fossoyeurs paru chez Fayard sous la plume de Victor Castanet, journaliste courageux et intègre. On y apprend pour faire bref que les pensionnaires étaient victimes de mauvais traitements, très doux euphémisme. Et tout cela pour le plus grand profit des dirigeants de la firme, de ses cadres et bien sûr de ses actionnaires.
Mais gardons-nous de généraliser, il est des maisons de retraite au fonctionnement irréprochable dans la mesure des moyens financiers qui sont les leurs et des personnels dévoués, compétents, profondément empathiques.
Ce qui est ahurissant au cas particulier, c’est qu’il ait fallu une enquête journalistique pour porter sur la place publique ce que beaucoup savaient. A l’instar de ce qu’il se passe en matière de fraude fiscale, où les ressorts de l’évasion fiscale, les paradis fiscaux, le nom des fraudeurs se trouvent dévoilés par des consortium de journalistes. D’où la question : que fait l’Etat, à quoi sert l’administration de tutelle. Son inaction est aussi un des scandales de ce dossier : incompétence, laisser aller, compromission, médiocrité….Peut-être un peu de tout cela, on se perd en conjectures. On aimerait voir un peu plus de curiosité des services d’enquêtes sur cette question.
Autre scandale à présent : la suite de l’histoire. La firme Orpea se trouvant en grande difficultés financières, vers qui se tourne-t-on pour la redresser ou à tout le moins lui tenir la tête hors de l’eau ? Et bien à nous Mesdames, Messieurs, vous, moi et les autres. Sortez vos portefeuilles, il va falloir casquer ! Devant la faillite prévisible, la Caisse des Dépôts et Consignations, bras financier de l’Etat français, renforcée par CNP Assurances, MAIF et MACSF autrement dit des groupes mutualistes, vont assumer le coût de l’opération de restructuration en prenant la majorité du capital.
On connaît parfaitement cette vieille règle : socialisation des pertes et privatisation des bénéfices ! Formule peut-être éculée et facile ; certes l’on ne pouvait non plus laisser en déshérence résidents et salariés. Mais quand même, la pilule est un peu grosse à avaler : certains (les salauds sont partout) se sont gavés de façon indécente sur le dos de pauvres vieux affamés aux portes de la mort, aux escarres douloureuses et baignant dans leur merde. Et il nous revient maintenant à nous tous contribuables lambda, d’éponger les pertes…. Oh certes, l’action de la Justice permettra certainement de faire rendre gorge à quelques lampistes avides que les scrupules n’étouffaient pas.
Mais pour être franc, cela me laisse un peu sur ma faim. A cet instant, il me revient, je ne sais pourquoi, cette vieille formule occitane, farem tot petar….lèu !!!
Jacques Lavergne / Montfaucon / 6-2-23
L'Editorial du 16 janvier 2023
Les Français ne sont ni des Chinois, ni des enfants, ni des demeurés…
La France va se déchirer pendant des temps encore indéterminés sur la réforme des systèmes de retraite voulue par le Président de la République. Une réforme subie, imposée par un pouvoir qui joue sur la lassitude des Français préoccupés par d’autres problèmes du quotidien : guerre à nos portes, inflation, pouvoir d’achat, dégradation accélérée de la Planète. Un pouvoir qui pour être sûr de parvenir à ses fins – faute de majorité - se livrent à des tractations politiciennes avec d’autres partis – notamment Les Républicains - et transforme ainsi cette réforme en une basse manœuvre politicarde. Laquelle pourrait bien faire le lit de l’extrême droite.
Politique qui est de facto un repoussoir absolu pour 78 % de la population hostile à cette réforme. Un chiffre extrêmement élevé qui s’explique pour partie par un colossal déficit de pédagogie, d’explications, d’argumentation, de recherche de consensus dont il est vrai que celui-ci n’est pas une spécialité française, et encore moins celle d’E. Macron. Un chiffre qui s’explique aussi par le sentiment diffus mais persistant qui veut que cette réforme ne pèse pas sur tous les Français de la même manière, autrement dit que la justice et l’égalité n’ont pas été ses principes directeurs. Et de fait, elle sera indolore pour l’électorat habituel de Monsieur Macron, les cadres, les retraités, le patronat ; mais elle frappera les ouvriers et les employés ayant commencé tôt leur carrière.
Nous faisons pâle figure face à bon nombre de nos voisins européens qui ont procédé avec efficacité à de semblables réformes (allongement de la durée de cotisations, parfois baisse des pensions) sans déclencher pour autant des passions exacerbées. La Suède par exemple y a dédié une commission parlementaire composée de tous les partis politiques qui, après dix ans de travail (!), a adopté une réforme à l’unanimité. Mais il est vrai que nos voisins nordiques, notamment la Suède déjà évoquée et la Finlande, ont procédé à des réflexions globales sur le monde du travail, lesquelles les ont conduits à réformer profondément la formation, l’emploi, les conditions de travail.
Un exemple que nous devrions suivre, comme l’explique Bruno Palier, directeur de recherche CNRS à Sciences Po, interviewé par la magazine le 1 : « Plutôt que d’ajouter une énième réforme des retraites impopulaires, il faudrait se donner les moyens de réformes structurelles de notre système éducatif, de soutien aux jeunes et aux familles, se donner pour ambition l’amélioration de la qualification de la population et de la qualité des emplois, ce qui permettrait d’accroître les ressources du système de retraite, ainsi que des carrières naturellement plus longues. »
Si l’on y ajoute une véritable politique de l’emploi des seniors, basée sur la qualité des conditions de travail, la formation permanente permettant de maintenir les compétences et d’en acquérir de nouvelles, nous avons là un programme de travail et de réflexion qui, mené dans le temps et consensuellement, pourrait, lui, aboutir à une vraie réforme du monde du travail et des retraites.
Car réforme n’est pas en soi un mot tabou. Dans un monde et des sociétés qui évoluent à grande vitesse – et pas toujours dans un sens favorable à l’amélioration de la vie humaine – il paraît naturel de suivre le mouvement, car, nous le savons depuis Charles Darwin « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements. »
Nos sociétés occidentales vieillissent depuis des décennies, la fécondité s’y ralentit alors que la médecine y a permis de considérables progrès de longévité : c’est là une vraie question. Moins de cotisants et plus de bénéficiaires à servir, pas étonnant dès lors que le poids financier des retraites s’accroisse ; surtout dans notre pays où nous sommes depuis longtemps les derniers de l’OCDE en matière de durée de vie active.
Il est donc urgent de repenser le cadre de nos conditions d’existence laborieuses : le travail, sa place, sa valeur, sa finalité, sa durée, ses conditions d’exercice. De se demander si nous voulons être marxiste et nous libérer par le travail ; ou bien marcusien et nous libérer du travail. De déterminer ensemble dans quelles conditions nous souhaitons travailler et faire évoluer notre société avec toujours à l’esprit deux principes fondamentaux : solidarité et justice. Les dispositions en matière de retraite en découleront naturellement.
Près de 80 % de nos concitoyens demandaient l’interdiction de la chasse le dimanche afin de pouvoir se promener sereinement : le Président a ignoré cette revendication et a proposé de ridicules mesurettes bureaucratiques totalement déconnectées de la réalité du terrain. Près de 80 % de nos concitoyens rejettent la réforme des retraites qui leur est proposée : le Président veut l’imposer balayant d’un revers de main leurs objections, leurs craintes et celles des partenaires sociaux, faisant comme à l’accoutumée montre de ce que le Président de la Commission des affaires Etrangères à l’Assemblée Nationale, Jean-Louis Bourlanges, appelle justement son « individualisme bonapartiste ».
Et bien cela suffit, il est temps d’écouter « les gens ». Les Français sont râleurs, indisciplinés, raisonneurs mais ils ont aussi des qualités de réflexion et de bon sens. Nous ne sommes ni des Chinois, ni des enfants, ni des demeurés : il serait bon que Monsieur Macron s’en aperçoive !
Jacques Lavergne / Esprit Occitanie / Les Masseries le 16Janvier 2023
L'Editorial du 31 Décembre 2022
Entretenons soigneusement l’esprit des Lumières
Cette année 2023 de notre ère débute dans un monde depuis trop longtemps en proie à la violence, aux guerres, au réveil des nationalismes, à la corruption, à l’augmentation des inégalités, aux crises environnementales et sanitaires. Un monde qui baigne dans un relatif chaos, où les dictateurs sanguinaires de tous poils exercent sans retenue d’innommables exactions en s’abritant tranquillement derrière des justifications aux fondements totalement surréalistes, maniant avec beaucoup de sérénité mensonges, fake news, manipulations diverses, réécriture de l’histoire, instrumentalisation des religions, emploi éhonté de l’arme de la faim et des ressources essentielles notamment énergétiques.
Disons-le crûment, les salauds, nom plus proche que celui d’autocrates de ce qu’ils sont véritablement, tiennent le haut du pavé avec beaucoup de cynisme et de quiétude, assurés qu’ils sont d’une quasi-impunité. Laquelle leur permet d’emprisonner, de juger expéditivement, de torturer, de tuer, d’asservir leur peuple, voire d’envahir le voisin pour en faire de même chez lui. Sans oublier bien sûr de garnir considérablement et leurs comptes en banques et ceux de leurs affidés, car ces racailles agissent bien sûr en bandes organisées : la fidélité des complices s’achète grassement.
Il faut bien le reconnaître : la démocratie libérale est en recul partout dans le monde. Quand il ne s’impose pas par la ruse et le pouvoir des armes, l’attrait de « l’homme fort » exerce beaucoup de séduction sur des populations déboussolées par la marche de sociétés qu’elles ne comprennent plus et qui font d’elles des perdantes sans espoir, financièrement, socialement, trop souvent abandonnées par l’idée même de Justice. Des populations devenant dès lors des proies faciles pour les marchands de rêves, pour les charlatans populistes de droite comme de gauche qui exploitent leur détresse et surfent sur la vague de leur désespérance pour gagner le pouvoir.
Triste et inquiétant constat qui doit nous rappeler que rien n’est jamais acquis, surtout pas la Liberté qui reste un luxe qui se mérite, une notion essentielle, fragile, dont il faut faire de la défense un combat permanent. Une règle que nous, Européens, avons malheureusement occultée, endormis par un espèce de laisser-aller jouisseur engendré par une période de paix et de croissance exceptionnelle. Et bien, il faut – rapidement – se réveiller, regarder de quoi le monde est fait aujourd’hui et se dire que notre enviable situation est fragile, peut-être éphémère tant elle en dérange beaucoup. A commencer par ces dictateurs que notre modèle libéral inquiète tant il peut donner des idées et des envies à leurs peuples asservis et martyrisés.
Les défenseurs des libertés qui se battent de par la planète – iraniennes, femmes afghanes, citoyens ukrainiens, démocrates russes, et tant d’autres bien connus ou moins médiatisés – méritent notre respect et notre soutien, certainement pas notre silence ou notre indifférence. Il est temps de nous souvenir que nous fûmes au 18ème siècle les « inventeurs » des Lumières autrement nommées par nos amis allemands Aufklärung. Des Lumières qui ont par la suite irrigué le Monde en s’adaptant aux pensées et circonstances locales, comme l’ont montré aux 18ème et 19ème siècle les révolutionnaires sud-américains, les réformateurs persans ou ottomans, voire les Japonais de l’ère Meiji pour ne citer qu’eux.
Bien évidemment, les Lumières ne sauraient constituer l’affirmation surplombante d’une vérité indifférente de ses lieux et conditions d’énonciation, comme le souligne le professeur Antoine Lilti dans sa leçon inaugurale au Collège de France, sinon ce ne serait qu’une injonction à la conformité. Et A. Lilti de poursuivre en prônant l’universalisme latéral à l’instar de Maurice Merleau-Ponty (« l’incessante mise à l’épreuve de soi par l’autre, et de l’autre par soi »), ou en citant Souleyman Bachir Diagne, auteur de cette magnifique formule : « l’inscription du pluriel du monde sur un horizon commun » !
Il nous faut partout et en tout temps destituer le principe de domination et « éviter à tout prix l’effondrement de nos civilisations et les guerres qui apparaissent comme les conséquences inéluctables d’un modèle de développement aberrant et deshumanisant ». (Corine Pelluchon / Les Lumières à l’âge du vivant / Seuil). A l’évidence la situation est critique, il paraît donc urgent de faire appel aux Lumières pour trouver l’inspiration nous permettant de contrer les bouleversements qui menacent nos sociétés. Et de pratiquer non l’universalisme mais « l’universialisation » (qui elle ne se décrète pas) de celles-ci démontrant par là « que certaines idées peuvent prospérer et s’épanouir dans des contextes historiques différents, dans la pluralité des langues et des cultures ». (A.L. déjà cité)
« Les Lumières sont donc à la fois une époque, un processus et un projet. Elles sont surtout l’acte par lequel une génération, par un retour réflexif sur elle-même, cherche à faire naitre un nouvel imaginaire » ( Corine Pelluchon, déjà citée).
Que voilà un beau programme à l’orée de cette année 2023 que je vous souhaite à toutes et à tous la meilleure possible !
Edito pour Esprit Occitanie / Jacques Lavergne / Les Masseries / 31-12-22
L'Editorial du 05 Décembre 2022
LA PRÉÉMINENCE DU SALAUD
Ils sont partout. Ils ont toujours été partout, de tous temps.
Mais aujourd’hui, on a l’impression qu’ils se multiplient, qu’ils occupent toujours plus nombreux le devant de la scène, au grand jour, sans vergogne aucune. En établir la liste prendrait plusieurs pages et serait inutile, tout le monde les connaît. Il suffit en effet pour la dresser presque exhaustivement d’ouvrir un journal tant ce qui se faisait autrefois discrètement, se produit à présent au grand jour.
Je ne parle pas ici du petit salaud minable qui exerce ses violences sur ses proches, femme et/ou enfants, de celui qui abuse de sa position dominante pour obtenir des faveurs sexuelles, de ceux qui prennent du plaisir à brimer plus faible qu’eux. Certes, ils méritent totalement notre mépris et nous devons fournir tous nos efforts pour les empêcher de nuire.
Non, je veux parler ici des salauds « institutionnels », ou pour être plus précis de ceux qui œuvrent à grande échelle, à la tête d’un Etat, avec les moyens qui vont avec. Ceux qui avec leurs affidés constituent le plus souvent une mafia mettant un pays en coupe réglée, le saignant économiquement à leur seul profit, en se justifiant par des pseudos arguments religieux, historiques ou politiques.
Et qui pour cela oppriment leurs concitoyens, leur suppriment toutes libertés, les violentent, les espionnent, les enferment, les contraignent, les torturent, les brisent. Ceux qui exploitent, voire tuent ou laissent mourir des émigrés désespérés démunis de tout. Ceux qui laissent crever de faim, de maladie, des populations entières enfants compris. Ceux qui envahissent les pays voisins pour les soumettre, bombardant villes, hôpitaux, immeubles, écoles, marchés, tuant indistinctement tout ce qui vit, violant les femmes, détruisant tous les équipements urbains, martyrisant une population sans défense.
Il fut un temps où les guerres voyaient s’affronter des hommes armés. Aujourd’hui certains – qu’il faut bien appeler des ordures – préfèrent massacrer les civils, les plus désarmés pour soumettre un pays qui leur résiste. Lorsque l’on sait que le viol est devenu une arme de guerre, force est d’en conclure que l’espèce humaine ne vaut finalement pas grand-chose, à tout le moins passablement ses représentants. Le mépris de la vie humaine a pris aujourd’hui des proportions totalement intolérables qui discréditent nos civilisations.
La prolifération des salauds étatiques doit beaucoup à plusieurs facteurs qui en facilitent leur maintien au pouvoir :
· La possession de l’arme nucléaire, commode bouclier qui calme sérieusement les ardeurs de ceux qui voudraient intervenir afin de rétablir liberté et démocratie.
· Et même sans celle-ci, quel pays possède les moyens militaires et financiers de soutenir une guerre classique, au prix de la perte humaine de certains de ses nationaux ? Sachant qu’il faut ensuite rebâtir une société sur des ruines, entre autres politiques : défi redoutable, enlisement garanti.
· Une mondialisation économique qui rend les pays interdépendants, obligeant à modérer toute critique ou velléité d’intervention afin de ne pas rompre des chaines d’approvisionnement et bloquer le fonctionnement d’un pays, voire d’une région quand ce n’est pas de la planète.
· Une tendance générale de beaucoup à la cécité volontaire, au repli sur soi, au nationalisme obtus, à l’individualisme forcené qui confine à l’égoïsme le plus étroit.
Mais comment en blâmer les Hommes confrontés à un monde devenu dangereux, fragmenté, incompréhensible, inquiétant ? Pour autant d’ailleurs qu’ils aient les moyens d’avoir l’information, que leur principale occupation ne soit pas de trouver de quoi se nourrir et/ou un toit pour la nuit.
Alors peut-être que ceux qui vivent dans des sociétés évoluées, structurées, paisibles et, disons-le, riches, qui sont des privilégiés (même s’ils n’en ont pas conscience) ont le devoir et la responsabilité de garder les yeux ouverts sur le monde, de parler certes en leur nom mais aussi en celui de ceux qui en sont empêchés.
Tant il est vrai que « pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de biens ». (Edmond Burke).
Mais si l’on regarde ne serait-ce que l’attitude de ces « gens de biens » durant la coupe du monde de football, doute et inquiétude sont permis.
Il est hélas bien possible que l’avenir appartienne aux salauds !
Jacques Lavergne / 5 décembre 2022 / Pour Esprit Occitanie
L'Editorial du 22 Novembre 2022
PANEM ET CIRCENSES
Et c’est parti pour une compétition de foot dont l’on va nous rabattre les oreilles pendant des jours et des jours en occultant les dramatiques - voire humainement scandaleuses - conditions passées et présentes dans laquelle elle se déroule.
Que des gens se passionnent pour ce sport quoi de plus normal. Que certains aient envie et besoin de se détendre, d’oublier temporairement un quotidien difficile, on le comprend sans peine , il n’y a rien là de critiquable en soi.